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  • Photo du rédacteurAnaïs CD

Le clown qui avait peur de mourir de rire...




« Nash, votre rire est-il un appel au secours ? — C’est ce que sont les rires de tout le monde. » Lawrence Durrell, Tunc, 1968.

N’avez-vous jamais eu cette impression paradoxale de solitude au milieu d’une foule de gens ? Être entouré et pourtant se sentir étrangement, terriblement, abandonné… C’est comme si le monde défilait autour de vous, comme une infinité de trains qui passent en gare, alors que vous demeurez là immobile sur le quai.


N’avez-vous jamais eu l’impression que vous vous évertuiez à sauver le monde et ses âmes en peine, alors que vous êtes incapable de vous sauver vous-même ? Vous proférez une sorte d’appel au secours, silencieux et mourant, que personne n’entend. Est-ce votre voix qui ne parvient pas à se frayer un chemin dans l’espace noueux de votre gorge ? Ou bien le poids des sanglots qui se fait trop lourd ?


Moi j’étais là sur la piste, devant les spectateurs festifs et hilares. Je piétinais la terre battue, et par la même, ce qu’il restait de ma carcasse, déjà tant salie par la poussière et ces autres charlots auxquels je ne veux pas ressembler. Mais comme eux je m’agitais, je faisais le pitre, j’amusais la galerie. Enfin, c’est ce je croyais. Je ne savais même plus pourquoi je m’adonnais à ce genre de mascarade.

Mon maquillage n’était là que pour dissimuler l’inexistence de mon sourire, et l’abondance de mes larmes.

Mes postures grotesques, autant que mes pantomimes burlesques, venaient seulement occulter mes maladresses.

Mes vêtements trop amples et bariolés venaient camoufler ce corps frêle et rachitique, tourmenté et consumé par le temps et ses mauvais tours.

Il me semblait flirter avec la schizophrénie. J’essayais de jouer une infinité de personnages, qui n’étaient pas moi. Mes rictus factices, mon nez rouge et tout ce fard n’étaient là que pour maquiller mes aigreurs et ma fureur, tout autant que mon apathie et ma lassitude.


En réalité, je me tenais là, au bord d’un précipice dont je ne percevais même pas le fond. Tout ce qui se situait derrière ce rebord, c’était mon (in) existence. Tout ce qui se trouvait au-delà, et bien… c’était le néant, ce n’était plus rien, ce n’était plus moi. La frontière était si poreuse, la bascule si sensible et fragile. Une bourrasque, comme une simple brise d’air, et j’embrassais l’abîme qui se tenait à mes pieds. De pitre grotesque, je passais à « héros » pathétique. Et quel « héros » ? Celui de ma propre tragédie. Je ne riais plus. Ou bien mon rire sonnait atrocement faux. En fait, j’étais terrorisé. J’avais alors la naïveté, la bêtise, la folie peut-être, d’espérer que l’on me sauve.


Pour la première fois, j’avais peur de mourir de rire pour de bon ! Quelle fin clownesque ! Car malgré les clameurs, les ovations, tout ce temps, mes rires n’avaient été que des appels au secours…

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©2024 Anais Caruso Damiani.

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