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Une seconde chance ? -Partie 2-

Photo du rédacteur: Anaïs CDAnaïs CD


Le monde se libérait du voile qui l’étouffait, et lui apparaissait avec un peu plus de netteté. Tout ce qu’il ne voyait pas auparavant, se révélait à lui progressivement, comme désembrumé. Son regard, jusqu’à présent focalisé sur le vendeur, s’étendit. Et tout autour du personnage se dessina une mosaïque de couleurs : du rouge, du rose, de l’orange, du jaune, du blanc, du bleu. Une multitude de camaïeux venaient ainsi ornementer la petite échoppe. Des fleurs par centaine, toutes entreposées dans des vases aux couleurs chatoyantes, réchauffant l’atmosphère. Des lys, des orchidées, des roses, des œillets, des glaïeuls, des tulipes, … Il y en avait pour ravir tous les goûts et toutes les occasions.

S’ajoutant au plaisir des yeux, Thibault fut saisi par un florilège de douces senteurs florales. Elles lui parvenaient par vague. Chaque fragrance était unique, saisissante, envoûtante, entêtante. Comme son parfum… Et parmi cette nuée de fleurs, une seule attira son attention : une rose d’un rouge éclatant irradiait.


A cet instant, un tourbillon de souvenirs fusa dans son esprit : elle adorait les roses, les rouges étaient ses préférées. Il retrouvait d’ailleurs cette même senteur qu’elle portait sans cesse, présente sur chacun de ses vêtements, embaumant ses cheveux et sa peau délicate. Il lui correspondait pleinement : elle était aussi fragile et délicate, ardente et sensuelle. Elle paraît ses lèvres du même rouge vif, si élégant sur elle. Elle savait toujours être raffinée, et ce dans la plus grande simplicité.


C’est alors que son cœur se serra, il réalisa à quel point son absence le faisait souffrir, à quel point il avait besoin d’être auprès d’elle. L’homme renchérit alors :

« L’amour et un noble cœur ne font qu’un, et quand l’un ose aller sans l’autre, c’est comme quand l’âme abandonne la raison. »

Thibault releva un sourcil, surpris par une telle référence. Il demanda :

« Dante, n’est-ce-pas ? ».

Celui-ci lui sourit en signe d’affirmation. Tous deux restèrent un moment silencieux, comme méditant les paroles du grand écrivain.

« Et je crois bien que la raison m’a abandonné. A tel point que j’erre désespérément à la recherche de cette part de moi-même », pensa-t-il.

A cet instant, le vendeur suivit le regard de Thibault, il s’exclama alors :

« Une rose rouge n’est-ce-pas ? C’est tout à fait de circonstance ! Symbole de passion, et promesse d’amour véritable et éternel. » Il la saisit, prenant garde à ses redoutables épines, et l’approcha du jeune homme. Il reprit alors :

« C’est un choix remarquable. Et il ne m’en reste qu’une seule. Aussi unique que la demoiselle à qui elle se destine. »


Thibault tendit la main en direction de la beauté épineuse, mais s’immobilisa soudain, pourtant prêt à la saisir, mais demeurant interdit. Il la fixait, indécis, soucieux. Puis son regard retomba dans celui du vieil homme, comme implorant. Il déglutit, puis demanda faiblement : « Vous pensez qu’elle lui plaira… ? ».

Le vendeur lui sourit avec bienveillance. Un de ces sourires sincères et authentiques qui vous réconforte et vous réchauffe le cœur. Il pressa son autre main sur l’épaule du jeune tourmenté et s’écria :

« Je vis au milieu des fleurs mon bon monsieur, n’est-ce pas là ma spécialité ? Le langage des fleurs n’a plus aucun secret pour moi ! Elles sont mon quotidien, mes amies et mes confidentes. De ce fait je sais précisément à qui elles s’adressent. »


Thibault lui sourit timidement. L’homme reprit alors :

« Faites-moi confiance, j’ai résolu plus de soucis avec mes précieuses fleurs, que tous vos psychiatres et psychologues réunis ! Je sais écouter les gens, et lorsque ce ne sont pas des mots, c’est leur attitude qui parle pour eux. Je sais ce dont ils ont besoin, quand eux-mêmes ne le soupçonnent pas. Je les réconcilie, je les console, je les fais sourire, je me fais le messager de l’amour. Je fais partie intégrante de vos vies, je participe à chacun des instants qui les constituent sans même que vous y songiez. Telle est ma mission !»


Le jeune homme saisit finalement la rose entre ses doigts. Délicatement il la porta vers lui pour en humer le parfum. Une senteur douce et légère enveloppa ses narines. Fermant les yeux, il revit son visage, son sourire. Tant d’images qui le submergèrent pendant ce bref instant. Et quand il les rouvrit, devant le regard attentif de son interlocuteur, il se découvrit une assurance nouvelle.

« S’il vous plaît, auriez-vous l’extrême gentillesse de me confectionner le plus beau des bouquets ?», articula-t-il plus clairement qu’avant tout en souriant.

Le vendeur sourit, l’air amusé, et reprenant la fleur il lui répondit :

« Tellement beau qu’elle vous sautera au cou avec certitude ! Je suis le meilleur dans ma profession ! », Conclut-il avec un clin d’œil.

« Vous venez d’illuminer ma journée, si vous saviez... Je me sentais tellement désemparé », ajouta Thibault, un peu gêné.

« Le destin m’a déposé sur votre chemin ce soir. À la vue de cette âme éperdue et de ce cœur à secourir, je me devais de vous venir en aide ! », répondit-il.


Le vieil homme s’affairait déjà à la réalisation du bouquet. Il vint ajouter à la sublime rose, quelques feuillages et de petites fleurs blanches. Il les enveloppa dans un fin papier de soie rouge, puis dans un film transparent, avant de nouer le tout avec des rubans bordeaux et blanc.


Il revint enfin vers le jeune, lui tendant le magnifique bouquet avec précaution.

« Prenez autant soin de cette rose que de votre bien-aimée ! Je vous fais la promesse que les choses vont s’arranger. Ne tient qu'à vous à présent de trouver les mots et de les manier avec soin et finesse. Allez-y ne perdez pas plus de temps, allez la rejoindre ! », conclut-il.

Thibault retrouva alors un regain d'énergie. Il s'empara précautionneusement de celle-ci, déposa un billet sur le comptoir de l’échoppe et adressa un dernier mot au vendeur :

« Merci… », dit-il avec soulagement.

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