Je succombe devant ce sourire [...] je tombe à genoux devant ces joues rosées.
Tu es magnifique tu sais ? Je te regarde depuis mon bureau à l’autre bout de la pièce. Recroquevillée dans ce vieux fauteuil auquel je ne me résoudrais jamais à faire mes adieux. Il me renvoie tant d’images, des instantanés que je garde précieusement dans un coin de ma mémoire. Une myriade de clichés que je me repasse, quand ton absence se fait trop longue et douloureuse, ou quand, même tout près de toi, je m’égare entre les souvenirs.
J’aime te voir te blottir dedans, sous un plaid épais, une tasse de cappuccino jamais bien loin. Et un livre à la main, toujours. Tu aimes à te perdre dans d’autres mondes, en des lieux méconnus ou inconnus. Fuire pour un temps la réalité et ses vicissitudes, pour une brève interlude. Vivre par procuration quelques folles épopées, quelques minutes ou quelques heures s’échapper.
Et moi dans tout ça ? Je t’observe secrètement, je te contemple. J’ai renoncé à la paperasse, je peine à garder mon sérieux quand tu es dans la pièce avec moi. Je veux bien abandonner le monde entier pour ces moments près de toi… Dans ces moments-là je ne suis plus rien. Mon cœur, mon corps tout entier brûlent pour toi. D’un feu qui jamais ne s’éteint, qui m’attise tendrement, qui me consume doucement, qui me dévore ardemment.
Alors j’essaie de garder un semblant de contenance, le nez enfoui dans ces piles de papiers poussiéreuses qui débordent de mon bureau. Alors que tu es concentrée et plongée dans ces pages que tu dévores, rien ne m’échappe, j’ai tout le loisir de te détailler.
Je me fais artiste, je suis le peintre, je suis tes lignes et leurs couleurs. Je trace le contour de ton visage et la douceur de tes traits. Je flanche sous ces longs cils et ces yeux de biche, qui me transpercent quand parfois, ils daignent s’attarder sur moi. Un vert perçant, une forêt luxuriante qui vaut bien les plus belles excursions, qui l’emporte sur mes plus tristes pérégrinations. Je succombe devant ce sourire à mesure que ton regard parcourt les mots, candide et mutin, timide et coquin. Je tombe à genoux devant ces joues rosées qui s’empourprent au fil des paragraphes, devant ces lèvres charnues qui remuent et murmurent en silence. Ces lèvres que je brûle d’effleurer et d’embrasser. Un torture de tous les instants, que de demeurer impassiblement distant.
J’étudie tes gestes avec tendresse, la moindre de tes expressions, la perfection dans toutes tes imperfections. Tes longs cheveux bouclés qui s’entortillent au bout de tes doigts, alors que les pages défilent. Leur parfum me parvient, des notes de monoï et de noix de coco mêlées, un brin d’été, dans la grisaille de mon hiver. Tes petits et tes grands airs, un éclat de paradis dans mon enfer.
Je crois m’être perdu quelque part, entre les lignes de mes propres histoires. Ces contes que sans cesse je me raconte. Ces comédies romantiques, qui prennent toujours un tour tragique et dramatique. Alors que tu m’interpelles, la réalité me rappelle à elle.
“Où es-tu encore allé te perdre ?” me demandes-tu en riant.
“Dans tant d’endroits de toi, si tu savais ! Dans tant de lieux que jamais je ne me lasserais d’explorer. Je pourrais même me targuer d’être un grand aventurier !”, avais-je envie de lui répondre.
Un peu hébété, je riais à mon tour. “Je n’étais pas si loin… Tu es magnifique tu sais… ?”, dis-je.
Elle rougit.
Et à cet instant c’est tout mon monde qui a dégringolé, tout mon être qui s’est effondré, pour ne faire plus qu’un avec le sien.
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