
Mon souci principal : essayer d'oublier mes soucis secondaires.
Francis Blanche
Vous savez ce qui est triste et démoralisant ?
Le fait d’être toujours meilleur conseillé pour les autres que pour soi-même. Quand on vient nous voir pour les résoudre, on s’improvise le meilleur psychanalyste que ce monde ait connu. On écoute attentivement, on analyse, on médite et enfin on se prononce. Ce qu’il y a de fascinant c’est la facilité déconcertante avec laquelle on parvient à une étude et un diagnostic. Tout paraît plus clair, plus simple quand il s’agit d’autrui. On y porte un regard plus neutre, notre entendement et notre objectivité ne nous font pas encore défaut. Pas d’affectation, aucune influence.
Mais quand vient notre tour de passer sous le projecteur, quand on doit se poser et faire un point sur soi, sur les méandres de cet enfer dans lequel on erre… là on se retrouve avec l’équivalent en soucis, d’une soute à bagage d’Airbus A380 pleine à craquer. Et alors l’objectivité disparaît. Les réponses à tout s’évanouissent, ces lâches ! ! Notre extraordinaire sens de l’analyse se retrouve perdu en plein brouillard. Ce qui ne devait être qu’une malheureuse flaque d’eau, nous apparaît comme le plus vaste et tumultueux des océans. Ses rouleaux nous menacent d’abord, puis nous submergent : la noyade nous guette. La lutte est entamée : rude, lancinante, harassante. Le seul effort que nous demandent les réflexions, pour mettre un terme aux tourments qui nous consument, nous épuise. On se cherche et on ne cesse de se perdre pourtant, dans ce dédale de questions. Aussi évidentes puissent être les réponses et les solutions, elles nous sont invisibles, ou trop floues pour que l’on parvienne à les saisir.
On a inventé ce fameux « syndrome de la page blanche » pour les écrivains, mais qu’en est-il des autres ? Il faudrait diagnostiquer ça. Établir une liste de maux et symptômes, et lui donner un cachet plus officiel. Histoire de faire entrer ça dans la norme et outrepasser les cas cliniques de dépression nerveuse ou de psychose. Histoire de ne plus passer pour un con, et pour sortir une excuse toute faite : « mon psy a capitulé et j’ai le syndrome du psychanalyste raté » ?
Qui dit mieux… ?
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