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Photo du rédacteurAnaïs CD

Une seconde chance ? -Partie 3-



Sur ces dernières paroles, il tourna les talons, délaissant la sphère paisible dans laquelle ils s’étaient isolés, regagnant la pollution sonore de la rue toujours aussi encombrée.


Il avait complètement perdu la notion du temps pendant ce qui lui avait semblé être un bref échange. Or une heure s’était écoulée depuis l’instant où le vieil homme l’avait interpellé. Julie devait être rentrée chez elle entre temps. Il devait à présent se dépêcher de la rejoindre, et se hâta vers le portail de son immeuble. Il entama alors une course effrénée vers son appartement. La pluie battait toujours aussi fortement et des flaques jonchaient son parcours. Et à chacun de ses pas, les éclaboussures trempaient ses vêtements.

Lorsqu’il parvint finalement devant la grande porte de l’immeuble, il se précipita à l’intérieur, gagnant le vestibule. Il s’élança dans la cage d’escalier, gravissant les marches quatre à quatre jusqu’au quatrième étage. Une fois devant sa porte il s’arrêta un instant, se courbant, les mains posées sur ses genoux, pour reprendre son souffle. De grosses gouttes perlaient de ses cheveux et de ses habits mouillés, et venaient humecter le plancher. Il se redressa, tendit le bras en direction de la sonnette. Sa mélodie retentissait dans le silence de l’immeuble, il appuya de nouveau. Une fois… Deux fois… Trois fois… L’attente était insoutenable. Et lorsqu’il pensa qu’elle n’ouvrirait jamais, il entendit soudain le bruit d’un verrou que l’on tourne et les gonds de la porte grinçant à son ouverture. Une rai de lumière pénétra l’obscurité de la cage d’escalier. Il réalisa que dans la précipitation il n’avait même pas actionné l’interrupteur.


La porte s’ouvrit en grand. Elle était là, sous ses yeux ébahis. Dans la plus grande élégance, vêtue d’une fine robe noire et de hauts escarpins. Ses longs cheveux bouclés, d’un marron chaud, venaient encadrer son visage à la perfection. Elle portait ce rouge à lèvres écarlate qu’il lui avait si souvent vu mettre.

Il paniqua soudain, réalisant qu’elle s’était sûrement apprêtée pour sortir. Ou peut-être avait-elle un rendez-vous. Avec une de ses amies ? Ou bien avait-elle déjà rencontré quelqu'un ? Devait-elle le rejoindre ? L’avait-elle invité chez elle ? Un million de questions fusèrent dans son esprit, et chacune de ces possibilités le torturaient davantage.


Lorsqu’elle le vit, elle demeura interdite, comme figée face à lui et ne sachant que dire. Elle était certainement surprise de sa présence ici depuis leur dernière discussion quant à son départ pour l’étranger. Il n’avait pas su trouver les mots et avait préféré capituler face à l’inéluctable. Il ne pouvait pas la retenir.

Mais aujourd’hui les choses avaient changé, et prirent un tout autre tour. Il était prêt à prendre cette fameuse décision, à prendre des risques, à se jeter dans l’inconnu avec elle. Il n'aurait pas de mal à recommencer de zéro sa propre vie, il avait seulement eu peur de l'envisager et de la réécrire avec elle. Un nouveau départ mais un départ commun cette fois-ci. Il est toujours plus facile d’affronter le monde et ses difficultés à deux, de se soutenir mutuellement.


Elle continua de le fixer, sans mot dire, le détaillant progressivement, dans l'attente d’une explication quant à sa présence ici ce soir. Quant à l'état dans lequel il se présentait à elle, ruisselant et abattu. Et à mesure qu'elle l’examinait, une certaine anxiété se profilait sur ses traits. Elle finit alors par briser le silence :

« Bonsoir », dit-elle laconiquement.

Il lui répondit d’une voix étouffée : « Bonsoir Julie ».

Elle se tenait toujours droite dans l’embrasure de la porte, elle demanda alors : « Que me vaut ta présence ici à cette heure-ci ? »

« Il fallait absolument que je te vois au plus vite, et que je te parle ! », s’empressa-t-il d’ajouter.

Elle répondit alors plus froidement : « Et de quoi veux-tu me parler ? Je pensais que tout avait déjà été dit la dernière fois… Ah non, justement pas, ce sont tes silences qui ont parlé pour toi. »


Il fut piqué au vif. D’ordinaire si douce, il ne s’attendait pas à une telle brutalité de sa part. Il déglutit, détourna le regard, tachant de retrouver un semblant de contenance. Il fixa ses pieds et l'auréole humide qui s’était formée tout autour de lui, puis revint soutenir son regard accusateur.

Il se secoua de l’intérieur, fermement décidé à réécrire le passé. Il articula soudain doucement :

« Oui. J'ai été idiot. Je suis un idiot. Je n'ai jamais été très doué pour le dialogue dans ce genre de situation. Alors oui, j'ai été lâche. J'ai préféré me terrer sous mon silence et avouer ma défaite avant même d'avoir livré bataille. Tu as toutes les raisons du monde de m'en vouloir, de me jeter au visage tous les qualificatifs les plus affreux qui te passent par la tête, ou même de me claquer ta porte au nez. »


Elle le regardait avec suspicion, mais non sans une certaine curiosité quant à la suite de son plaidoyer. Cependant il s’arrêta un instant, réfléchissant soigneusement aux mots qu’il allait employer. Elle ne l’interrompit pas pour autant.


Dehors la tempête faisait rage, la pluie venait marteler à la fenêtre de la cage d’escalier. Un éclair vînt alors sillonner le ciel obscur et éclairer le couloir de l’immeuble. Et dans le silence pesant un violent coup de tonnerre fit soudain résonner les murs et trembler le bâtiment entier. Tous deux sursautèrent, surpris par un tel fracas. Leurs regards se dirigèrent simultanément vers la fenêtre, source du grondement qui était venu troubler leur discussion. Ils demeurèrent ainsi quelques secondes, guettant un nouveau vrombissement. Mais le calme était revenu, seulement parasité par le bruit persistant de l’averse. Ils détournèrent finalement les yeux du ciel noir, pour revenir l’un à l’autre. Il prit alors une profonde inspiration et continua sa tirade :

« Je sais bien que je dois être la dernière personne que tu aies envie de voir devant ta porte. Et je te suis déjà reconnaissant d’avoir bien voulu m’ouvrir, ainsi que de m’écouter. Mais saches que depuis nos dernières paroles échangées, mon monde s’est arrêté de tourner. Si mes jours étaient fades, mes nuits l’étaient d’autant plus. Le temps s’égrainait avec une nonchalance exaspérante. Mes journées se résumaient à une série d’automatisme dont je ne connaissais même plus le sens ni l’intérêt. Ton absence a été la pire des tortures, et je sais d’ores et déjà qu’il m’est impossible de vivre sans toi. Alors c’est complètement fou, mais je pars avec toi, où que tu ailles je veux te suivre. Je veux que tu partages ma vie, je te veux à mes côtés chaque jour qui me sera donné de vivre. Je veux me réveiller chaque matin, et m’endormir chaque soir près de toi. Je veux voir le monde et me projeter avec toi. Je veux pouvoir te faire rire, sécher tes larmes, t’embrasser et te dire autant de fois que j’en aurais le souffle, que je t’aime. »


Il s’arrêta soudain, comme essoufflé, après un tel discours. Il soutint son regard, guettant une réaction de sa part. L’attente était insupportable.

La jeune fille se détendit alors peu à peu, les traits de son visage retrouvèrent leur douceur habituelle. Elle ferma les yeux, inspira profondément, et quand elle les rouvrit, c'est avec une certaine tendresse qu’elle posa son regard sur lui. Un sourire timide se profila sur ses lèvres.

« Tu es surprenant et imprévisible tu sais ? », railla-t-elle.

« Il faut savoir être spontané ! », acquiesça-t-il, un peu gêné.


Suite à cela il lui tendit le bouquet de fleurs, qu’il avait jusque-là dissimulé dans son dos. A cette vue, son visage s’illumina, ses joues s’empourprèrent. Elle porta une main à sa bouche, d’autant plus troublée et éblouie par la somptueuse rose qui le composait.

Elle tendit lentement sa main vers la composition, la saisit et respira le doux parfum des fleurs. De son autre main, elle saisit la sienne. Leur complicité semblait intacte, comme s’ils ne s’étaient jamais éloignés l’un de l’autre. Ses lèvres s’étirèrent alors en un large sourire. Puis elle l’attira à elle, et murmura :

« On va devoir organiser notre départ, je pense qu’on a de quoi faire, tu es libre ce soir ? »

« Bien sûr, et tous les soirs suivants », ajouta-t-il en souriant.

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